En route pour la carretera australe

Nous quittons Rio Tranquilo direction Chaiten. Ici, débute réellement pour nous, la mythique « Carretera australe ». C’est une route de 1200 km qui traverse le sud du Chili de Puerto Montt à Villa O’Higgins.
Cette route lors de sa construction, avait pour but de désenclaver la région d’Aysen, jusqu’alors très isolée. Malgré tout, cette région demeure la moins peuplée du Chili avec environ un habitant au km2. La construction de cette route ne fut pas de tout repos. Il a fallu, pour atteindre ces contrées, tracer un chemin dans des bois impénétrables, entre de hautes falaises, sauter des lacs et des rivières et tout ça dans un climat très pluvieux.
La carretera a aussi la réputation d’être une briseuse de véhicules. Nous verrons 5 véhicules en panne sur notre trajet. Les pneus ont du mal à lui résister. Cependant, au fil des ans, cette route légendaire et touristique devient de plus en plus asphaltée. Il reste quelques portions de mauvais ripio mais ce n’est plus comme avant une route de l’impossible. L’aventure attire d’ailleurs de nombreux cyclistes qui ne redoutent ni la tôle ondulée, ni la poussière, ni les longues averses, ni les pentes ardues. On les admire et n’hésitons pas à les encourager car ici en plus de la difficulté sportive, il pleut en moyenne 2m d’eau par an.

Lorsque nous quittons Rio Tranquilo, la végétation devient rapidement dense. Nous ne distinguons que très rarement les sommets autour de nous, noyés dans une mer de nuages. Ici, c’est le paradis des amoureux de la nature. Cette dernière est partout, exubérante et sauvage.  L’eau est également très présente. Les rivières, les lacs et les puissantes cascades ont pris possession des lieux.

dsc_3763

 

La piste est plutôt mauvaise. Des nids de poules gorgés d’eau à cause de la pluie et du passage des poids lourds, jalonnent notre chemin. Nous sommes secoués dans tous les sens à l’intérieur de l’habitacle du camping-car. Nous vivons une sorte de rodéo improvisé. Afin de préserver Rainbow et d’éviter la crevaison, nous maintenons une vitesse de croisière de 20km/h de moyenne. Autant vous dire que la route est longue jusqu’à Cerro Castillo même si la vue est belle.

dsc_3715

dsc_3720

Vue sur le Cerro Castillo

dsc_3721

Le lendemain, la piste cède la place à une route asphaltée. Nous passons par des paysages sublimes qui nous rappelle parfois nos montagnes françaises surtout lorsque la route se borde de tapis de lupins mauves, roses et blancs… (appelés chocho en espagnol)

dsc_3726

dsc_3708

dsc_3772

dsc_3744

Nous faisons une petite halte à Coyhaique, capitale de la région Aysen pour faire le plein de victuailles avant de poursuivre notre chemin. Le ravitaillement, ce n’est pas si simple sur la Carretera.

Nous nous dirigeons ensuite vers le parc Queulat, une réserve naturelle qui s’étend sur 1541km2 de nature sauvage.. Sur le chemin, nous prenons deux jeunes chiliens en stop qui voyagent en bag pack. On ne sait pas si on leur a rendu service vu notre vitesse de croisière sur une zone de ripio bien dégradée mais nous avons été contents d’échanger pendant le trajet.

Ce parc Queulat, c’est à nouveau un changement total de décor, une forêt très humide, suintant en permanence, avec beaucoup de végétation entremêlée. Il y a un air de forêt tropicale avec la chaleur en moins. Ici, la pluie atteint des records. iI pleut 330 jours/an, soit 3,5 à 4 m de pluie annuelle.
Nous partons pour une balade qui mène au spectaculaire glacier Ventisquero Colgante (un glacier suspendu en haut d’une falaise) qui forme une cascade haute de 300m.

Sur le sentier, le feuillage est dense, presque étouffant. Les fougères géantes et les nasclas (sorte de grande rhubarbe dont on peut faire des confitures) ont colonisé le territoire.


Le sentier est détrempé malgré une journée plutôt ensoleillée. Nous avons hésité à mettre les bottes…à tort. Pas besoin de payer pour faire le mud day, nous y sommes.

Nous arrivons au belvédère. Légère déception, le glacier est dissimulé par une forêt de nuages. Nous ne percevons que les cascades.

dsc_3875

Nous patientons en pique-niquant au belvédère espérant une éclaircie. Soudain le rideau de nuages s’ouvre : « Quelle vue ! ».

dsc_3918

dsc_3917

On assistera même au détachement sonore d’un pan du glacier.

Sur le chemin du retour quand la forêt prend un air mystique

Fin d’après-midi et nuit tranquille sur la petite plage de Puyuhuapi.

Nous reprenons la route en fin de matinée, école oblige, direction le parc Pumalin. Cette superbe réserve naturelle très bien aménagée a été créé par Douglas Thompkins, le cofondateur de la marque The North Face. Ce milliardaire a acheté pas moins de 810 000 ha pour en faire différents parcs naturels en Amérique du Sud. Ces parcs naturels (ouverts au public) ont ensuite été donnés à des organismes d’état qui en assurent la gestion.
Le parc Pumalin avec ses glaciers, ses cascades, ses rivières, ses lacs et sa forêt exubérante a une superficie de 325 000 ha. Plusieurs sentiers de randonnée le parcourent et nous avons prévu d’en arpenter quelques-uns.

Nous profitons du beau soleil de l’après-midi pour faire le joli sentier des reinettes « sendero de la ranita ». Une vraie randonnée d’explorateurs… passerelles et échelles sont au rendez-vous. On cherchera les grenouilles mais en vain… On ne pourra que les entendre chanter.

 

Nous profitons du cadre fantastique pour bivouaquer dans le parc avec les vananous avant de faire la balade du mirador le lendemain. Ici encore les nasclas sont géantes.

dsc_4026

dsc_4025

 

Nous nous dirigeons ensuite vers Chaitén, notre dernière étape sur la Carretera Australe.
Cette ville de 4000 habitants a été fortement touchée en 2008 par l’éruption dévastatrice du volcan du même nom qui était en sommeil depuis 10000 ans. Les coulées de boues et les retombées de cendres projetées jusqu’à 30km à la ronde recouvrirent entièrement le parc Pumalin et les villes voisines. Quelques jours plus tard, des lahars noyèrent Chaiten sous près d’un mètre de boue, détournant le cours du fleuve qui coupe désormais la ville en 2.
Durant deux ans, les zones sinistrées furent interdites d’accès mais aujourd’hui, la partie nord de la ville est à nouveau occupée et en reconstruction depuis 2010-2012.  L’ambiance dans la ville est cependant particulière. Plusieurs bâtiments sont encore vides même si la reconstruction va bon train, le tourisme aidant.
Nous trouvons le soir un petit resto local tenu par des ptites mamies fort sympathiques.

Le temps sera pluvieux pendant presque deux jours. Nous patientons dans le camping-car entre l’école, les jeux de société, la construction de légos et avançons le jour du dessin-animé habituellement prévu le dimanche.

Après la pluie vient le beau temps. Nous nous enfonçons à nouveau dans les sentiers du parc Pumalin. Nous faisons dans un premier temps le petit sentier des alerces. L’alerce est un arbre immense fait d’un bois imputrescible, ce qui en fait l’une des deux espèces d’arbres les plus solides de la planète. Ces arbres, menacés à cause de leur surexploitation (ils ont beaucoup servi dans la construction des façades des maisons) et pour la plupart âgés, sont désormais protégés. Nous en verrons plusieurs sur notre trajet dont certains effectivement assez dégradés.

Deuxième rando de la journée : le Sentier des cascades
Nous avons eu un coup de cœur pour ce charmant sentier même si la boue était encore de la partie à certains endroits.

Après une nouvelle belle grimpette faite d’échelles, d’escaliers, de ponts, de racines…. qui ravit une partie de nos aventuriers , nous arrivons sur la première cascade que nous pouvons admirer de deux miradors différents.

Deuxième cascade

Pour le grand bonheur des enfants, nous organisons le lendemain une journée repos sur un petit spot fort sympathique situé sur la plage de santa Barbara, une ravissante plage de sable noir.

dsc_4176

Les enfants sont ravis et on ne les voit quasiment pas de la journée. Ils ramassent des mollusques et construisent des châteaux avec frénésie jusqu’au crépuscule. Nous, nous profitons du grand air pour admirer les dauphins et les otaries qui jouent près de la plage et discuter encore et toujours avec les amis et d’autres voyageurs jusqu’au soleil couchant. Gratitude pour toute cette beauté  que l’on a encore savourée ces derniers jours.

dsc_4177

dsc_4342

dsc_4335

Le lendemain, c’est le grand jour. La météo est idéale pour notre ascension du volcan Chaiten. Ils annoncent du soleil et un temps sec toute la journée. Le sentier n’est pas très long, 1h30 de montée mais quand même 600m de dénivelé.
La montée est assez raide. De nombreuses marches parfois hautes rythment notre ascension. Pas toujours simple pour les petites jambes. Les muscles chauffent. Lisa râle comme à chaque ascension. Nous on attend que ça passe en prenant notre mal en patience. On sait qu’il faut passer le cap et sans prévenir la sirène cesse.

Suite à l’éruption, la végétation a été pas mal détruite et on trouve beaucoup de troncs d’arbres morts encore sur pied ou jonchant le sol. La végétation reprend néanmoins doucement ses droits même si elle est du coup beaucoup moins dense que ce qu’on a pu voir dans le parc Queulat ou Pumalin.

dsc_4287

dsc_4291

dsc_4328

Le dernier tiers de l’ascension jusqu’au bord du cratère est plus difficile à gravir. Nous évoluons dans une sorte de pierrier assez glissant.
En arrivant au bord du cratère, on a une vue imprenable sur les deux dômes de 800 millions de m3, encore fumants, qui ont été formés suite à l’éruption et qui ont augmenté de 200m la hauteur du volcan.

dsc_4295

dsc_4296

dsc_4308

Pique-nique au sommet et recherche de pierres précieuses…

dsc_4302

dsc_4320

dsc_4322

Après une nouvelle journée sous la pluie, ça y est, il est temps de dire au revoir à Chaiten et à la Carretera Australe. Nous partons demain en ferry visiter l’île de Chiloé pendant quelques jours.…

8 réflexions au sujet de « En route pour la carretera australe »

  1. Bonjour Laetitia, Franck, Clément et Lisa ! Nous sommes toujours époustouflés par vos explorations intrépides. On dirait que vous avez acquis une résistance à toute intempérie et que vous n’êtes jamais blasés, toujours enthousiastes, bravo. Ici à Fontainebleau, comme vous savez sûrement, le paysage a été un tout petit peu enneigé la semaine dernière, nos petits-enfants ont même fait un bonhomme de neige dans le jardin. Bises à tous les quatre. Hervé et Martine.

    J’aime

  2. Coucou. Bien contente de trouver un nouvel article avec de superbes photos du bout du monde qui me font oublier le temps de mon trajet ma difficile journée. Vous semblez vraiment etre dans une jolie bulle ou rien mis a part les problèmes techniques ne semble vous atteindre. Je suis dans une phase ou mon metier devient très éprouvant et une petite parenthèse comme celle ci me ferait grand bien. Le temps gris et pluvieux n aide pas non plus en ce moment on ne peut même pas ou très peu profiter de la nature qui nous entoure pour nous ressourcer. Vivement le printemps et les premiers beaux jours. Je vous fais de gros gros bisous. Mon clément as tu reussi à resoudre le casse tête de tatie?

    J’aime

  3. C’est la galère pour envoyer un message ici. J’en avais écrit un qui s’est effacé.
    Je recommencerai ce soir pour vous faire un petit coucou. En espérant que cela marche.
    Bonne journée. Partons pour la Presqu’île de la Caravelle.
    Hier beau temps au magnifique jardin de Balata.
    Bisous. A ce soir.

    J’aime

  4. Bonjour,
    nous sommes un couple qui allons partir en patagonie au mois de mars 2019.
    votre itinéraire de puerto tranquilo à la junta nous interesse particulièrement car nous souhaiterions faire une partie de cette fameuse route australe de futaleufu à los antiguos . En effet , on trouve très peu d’info sur l’état de la route et nous aurons un kangoo. Est il possible de nous indiquer les parties pavées et non pavées ainsi que leur etat, s’il vous plait?
    Nous vous remercions d’avance de votre éventuelle réponse.
    Et surtout nous vous souhaitons bonne continuation! votre voyage est magnifique.
    laetitia.

    J’aime

    • Bonjour,
      Bien sûr pas de soucis c’est encore frais dans nos tête 😉
      Entre los Antiguos et Chili Chico la route est asphaltée.
      Entre Chili Chico et Puerto Guadal la route est un très bon ripio sans aucun soucis (pas/peu de trou et route homogène).
      Entre Puerto Guadal et Puerto Rio Tranquilo la route devient de la tôle ondulée avec des trous assez pénible mais sans difficulté.
      De Rio Tranquilo à Villa Cerro Castillo à nouveau du ripio étroit avec quelques trous plutôt pénible.
      Entre Villa Cerro Castillo et Puerto Cisnes la route est asphaltée.
      La partie la plus difficile est entre Puerto Cisnes et le PN Quelat il y a 30 km de ripio en montee et descente avec beaucoup de virages et des trous d’autruche….
      Ensuite route asphaltée jusque Puyuguapi puis 10km de ripio facile et à nouveau asphaltée jusque Chaiten.
      La partie entre Santa Lucia ( qui ressemble à une ville fantôme aujourd’hui) et Futalefu nous ne l’avons pas faite mais selon la carte et le retour d’autres voyageurs c’est du ripio sans trop de difficulté.
      Je peux vous envoyer la carte de la route qui nous a été transmise par les offices de tourisme du coin si vous le souhaitez. Celle ci n’est pas à jour mais permet d’avoir une bonne idée. D’une manière générale le nord est continuellement amélioré et devrait à terme être totalement asphaltée (entre Chaiten et RiobTranquilo), pour le sud c’est plus compliqué…
      Bonne route et bon voyage !!

      J’aime

      • merci énormément de votre aide !
        votre contribution précieuse va nous permettre de mieux adapter nos arrêts et les temps de route !
        merci encore et bon vent à vous !

        J’aime

      • et effectivement si vous pouviez m’envoyer cette fameuse carte . mais je ne voudrai pas abuser de votre temps.
        et je me répète mais c’est déjà très gentil de m’avoir répondu!

        J’aime

  5. Je viens de retourner sur votre site…. encore un régal de lecture et de belles images! Les randonnées sont surprenantes avec à la fois une atmosphère jurassique et fantastique me plongeant dans la caverne de la rose d’or avec ces arbres tortueux habillés de mousse au milieu des fougères géantes… la nymphe de la forêt est probablement dans le coin!!! Les enfants et vous avez l’air grandement épanouis …. délicieusement nourris d’amour, d’eau fraîche et de nature si généreuse!! Petits chanceux! Je vous aime. Régalez vous de tout ce bonheur et bon air pur!!!

    J’aime

Laisser un commentaire

Ce site utilise Akismet pour réduire les indésirables. En savoir plus sur la façon dont les données de vos commentaires sont traitées.