Ça y est, nous sommes aux portes de Medellin, ville de Colombie connue pour avoir été, dans les années 80, le cartel du narcotrafiquant le plus célèbre du monde : Pablo Escobar. De prime abord, on n’est pas vraiment séduit.
Cette ville devint la capitale d’Antioquia en 1826. Elle resta longtemps une ville provinciale de seconde zone, raison pour laquelle ses édifices coloniaux ne sont ni nombreux, ni somptueux. La croissance rapide de la cité ne date que du début du XXe siècle, avec l’arrivée du chemin de fer conjuguée au boom très lucratif de la culture du café. Medellín se transforme alors rapidement. Les propriétaires de mines et les barons du café investissent leurs profits dans l’industrie naissante du textile, et leur pari paye au-delà de leurs espérances. En quelques décennies, Medellín devient une grande métropole.
Dans les années 1980, l’esprit d’entreprise de la ville montre sa face sombre. Sous la férule sanglante de Pablo Escobar, Medellín devient la capitale mondiale du commerce de la cocaïne. Les affrontements avec armes à feu sont monnaie courante, et le taux d’homicides est parmi le plus élevé au monde. La mort d’Escobar en 1993 signera le déclin de la violence.
De part cette histoire écrite dans le sang, la ville se relève avec bien plus de force que les autres villes du pays. En 2013 grâce à son réseau de transport et à ses services publics, la ville a remporté le prix de la ville la plus innovante décerné par le Wall Street Journal, coiffant au poteau New York et Tel-Aviv. Avec son ouverture de plus en plus grande au tourisme, elle se positionne comme LA ville culturelle de Colombie, un grand écart quand on sait que pendant les années 80-90, elle était la ville la plus dangereuse et violente de la planète.
Bien que ce soit encore d’actualité, les problèmes de drogue sont beaucoup mieux gérés et ne se passent souvent qu’entre les gens concernés. Medellin est désormais une ville globalement safe dans la mesure où on ne cherche pas les problèmes…. mais on ne va pas se mentir la drogue, la prostitution et la corruption sont toujours présentes…. Et parfois même encore quelques règlements de compte… mais comme c’est aussi le cas de beaucoup d’autres endroits sur terre.
Comme beaucoup de villes d’Amérique du sud, Medellín est un lieu où les contrastes et l’inégale répartition des richesses sont très présents et nous sautent aux yeux en arrivant. Sur les flancs des montagnes s’étendent des zones délabrées de favelas que l’on nomme ici comunas tandis que le centre est moderne et dynamique.
Notre spot dodo se situe dans le centre autour d’une petite place arborée et animée. C’est le week end et des familles se retrouvent ici pour faire la fête ensemble. Dans ce quartier, ce sont les habitants qui se relaient pour gérer les stationnements. A peine arrivés, une des responsables nous indique les emplacements possibles et nous informe que l’eau ou les douches sont proposées par des riverains toujours heureux de rendre service. Même dans les grandes villes, la courtoisie colombienne n’est pas un mythe.
Nous stationnons non loin des copains. La France est en nombre ce soir car sont déjà sur place les pauzailleurs, les marseillais et les Tiselfs. Les enfants, heureux de se retrouver investissent immédiatement l’aire de jeux par tranche d’âge. Nous on investit le stand pizza et le stand Mojito. Fin de soirée, il fait bon !! On est bien avec les copains.
Tard dans la matinée, nous partons avec les Marseillais et les Tiselfs à la découverte de la ville. Nous longeons la ligne du métro, territoire des vendeurs de rue en tout genre. Les trottoirs sont assiégés et débordent de vêtements de mauvaise facture, de sucreries et d’objets en plastique plus ou moins utiles. La foule et l’agitation nous donne rapidement le tournis.

herboriste

cour d’école

cable cab
Si Pablo Escobar est l’homme qui revient le plus en mémoire lorsque l’on évoque Medellin, il faut savoir que cette ville a aussi été le fief de l’artiste peintre Fernando Botero, considéré comme l’artiste le plus connu d’Amérique latine. Une fierté non dissimulée pour la ville de Medellín qui met en avant ses sculptures dans plusieurs endroits.
Direction donc la place Botero, dans le centre-ville. Plusieurs voluptueuses sculptures d’animaux et de personnages imaginés par l’artiste sont disséminées un peu partout sur la place. On s’attarde et s’amuse de ces œuvres qui jouent avec les proportions. Indéniablement les rondeurs avaient le vent en poupe chez Botero.
Nous passons devant le palais de la culture, l’un des plus beaux bâtiments néo-gothique de la ville.
Nous en profitons pour visiter dans la foulée le musée d’Antioquia . Il renferme entre autre une collection permanente de l’artiste Botero mais expose également les œuvres d’autres artistes. Les enfants ne sont pas passionnés même si certaines peintures les font sourire. Clément a même emmené sa liseuse. Nous on passe un bon moment.

Louis XIV et Marie-Antoinette
Pause glace en ville
Fin d’après-midi, nous sommes à nouveau sur la place Botero. Des vénézuéliens se font un petit battle de dance improvisé. A tout âge ça assure. Il ont une liberté de mouvements avec leur corps que nous leur envions.
Nous empruntons l’avenue Peatonal Carabobo pour une plongée au coeur de la vie locale. C’est l’une des principales artères commerçantes de la ville. Se succèdent en enfilade magasins en tout genre, restaurants locaux ou petits centres commerciaux. Rapidement, les lueurs du jour déclinent, le paysage change autour de nous. Des filles de joie entreprenantes font leur apparition et raccolent ouvertement les badauds. Des gens pas très nets commencent à zoner dans le coin. Vite fuyons avant que trop de loups ne sortent du bois !
Le lendemain, pour comprendre un peu mieux l’histoire de la ville et des comunas, nous faisons le « Graffitour » de la comuna 13. Notre guide est français et vit à Medellin.
Les comunas sont au nombre de 22 et comptent un peu plus de 200000 habitants. Située dans les collines de l’ouest donnant sur Medellin, la Comuna 13, autrefois reconnue comme le quartier le plus violent de Medellin… est une communauté aux allures de favela. Les maisons sont empilées les unes sur les autres à flanc de montagnes Essentiellement composée de descendants afro, elle s’est construite au gré des opportunités et sans plan d’urbanisme sur une colline difficile d’accès.
Notre visite commence par une parenthèse historique de la ville.
Notre guide nous explique qu’avant les années 2000, cet endroit de la ville était la zone des exclus, des paysans pauvres et des parias. C’était aussi la seule zone de la ville sur laquelle les paramilitaires n’avaient pas le moindre contrôle. Pourquoi ? Parce que dans la comuna, on ne trouvait pas que les exclus mais aussi toute sorte de résistances armées, les FARC, l’ELN et les CAP, qui cohabitaient entre eux et avec les narcotrafiquants dans une paix toute relative. La situation géographique du quartier explique en partie ce statut particulier. Du haut de la montagne, le territoire était facile à défendre. D’en bas, il était pratiquement impossible à conquérir… L’endroit parfait pour faire transiter la cocaïne librement. N’entrait ici que les milices et les habitants. Dans cette zone de non droit, les habitants vivaient dans l’insécurité quotidienne, la drogue, la violence et les armes à feu. Il n’était pas rare de marcher dans la rue et de voir un cadavre par terre. Et comme les ambulances ou la morgue ne venaient pas dans ce quartier trop dangereux. C’était aux habitants de gérer les corps comme ils le pouvaient.
En 2000, la ville de Medellín, libérée du joug de Pablo Escobar, amorce un tournant économique majeur et décide de faire la guerre aux groupes de résistance présentes dans la comuna. Il y a également à cela une raison plus obscure : Le quartier, véritable autoroute pour l’acheminement de la cocaine et des armes ne pouvait pas rester sans contrôle des paramiltaires qui se financent également par ce trafic. Contrôler la Comuna 13 signifie contrôler les armes à feu, la drogue et l’argent qui entre et sort de la ville, une affaire plus que juteuse qui attire bien des convoitises.
La suite de l’histoire est terrible. Le 29 mai 2002, sous prétexte de pacifier la zone, une première opération militaire, l’opération Mariscal, se solde par la mort de 9 civils, 37 blessés et 50 détentions arbitraires. L’intrusion ne dure néanmoins que quelques heures car la population, sortie avec des drapeaux blancs et la présence de la presse exercent une telle pression que l’armée doit stopper son intervention.
Le 7 août 2002, le président Uribe fraichement élu ordonne de « reprendre » la Comuna 13, une manière pour lui d’inaugurer sa politique musclée de « sécurité démocratique ». Le 16 octobre, l’opération « Orión » jette dans le quartier plus de trois mille hommes lancés dans une opération de guerre totale contre… la population.
L’envergure de l’offensive pousse rapidement les milices à se replier mais cela n’empêche pas les hélicoptères de continuer à cribler les toits des habitations, les tanquetas (blindés légers) de poursuivre leurs tirs indiscriminés, poussant dans les ruelles une avalanche d’habitants désespérés. Pendant cinq jours de « pacification », des perquisitions sont menées sans ordre judiciaire, on dénombrera 355 détentions arbitraires.
Jusqu’au 20 octobre, la commune est totalement isolée. Personne n’est autorisé à en sortir ou à y pénétrer. Seule la version des faits donnée par la force publique filtre dans les médias : il s’agit d’une opération militaire légitime qui, en pourchassant les groupes illégaux, a ramené la paix dans la commune.
Une deuxième phase commence : ne restent dans la Comuna 13 que des effectifs de l’armée, de la police et… les paramilitaires qui occupent complètement le territoire. Dès lors, dans cette zone présentée comme un « laboratoire de paix », les paramilitaires vont recourir à la pratique des « disparitions forcées jusqu’à la fin 2003 et établir ainsi un véritable contrôle social sur la comuna.
Dix années plus tard, on en sait un peu plus sur ce qu’il convient d’appeler un crime d’État. Des survivants, des proches des victimes et même d’ex-paramilitaires ont affirmé que de nombreux « disparus » ont été enterrés en un lieu appelé « La Escombrera ». Une décharge qui s’étale sur quinze hectares, dans la zone haute de la Comuna 13.
Après cette série d’opérations militaires gouvernementales sanglantes, l’État a pu exercer une plus grande influence pour réhabiliter le quartier. Un gros effort financier a été fait pour le rendre plus sûr et l’intégrer dans la ville.
Les années ont passé et malgré le traumatisme la Comuna 13 se relève avec une hargne de vivre qui suscite l’admiration. C’est dorénavant l’un des plus grands succès de la ville. L’un des deux symboles visibles de cette métamorphose est une série d’escaliers mécaniques longs de 385 mètres au total, installés en 2012 sur le flanc de la colline pour aider les habitants à rentrer chez eux. Ces escalators ont non seulement amélioré la sécurité, la mobilité et l’accessibilité mais ont également apporté l’avantage involontaire du tourisme dans la région; le quartier étant devenu un incontournable.
Dégustation d’un jus à base de canne à sucre au pied de l’Escalator
L’autre symbole très fort est l’impressionnante collection de fresques, peintes par les artistes de rue de la comuna 13.
L’ histoire de leur quartier, les habitants l’ont écrite sur les murs. Ils la racontent en mots ou en images symboliques. S’attarder sur ces graffitis, les décoder, c’est se donner la peine de comprendre le passé qui a forgé le présent. On ne peut s’empêcher de vibrer sur chaque fresque. L’émotion de l’artiste est là bien présente et nous touche au plus profond.

Une des fresques relatant l’opération orion. Les oiseaux représentant les hélicoptères

suite du graff avec les dés jetés qui représentent la date de l’opération orion. Les maisons du bas sont sombres tandis que celles du haut commencent à se colorées. C’est l’espoir. Sur le visage, la clé de sol et la nature symbolisent également l’espoir des jours meilleurs
Beaucoup de fresques que nous voyons délivrent un message d’espoir. Là où se répand l’obscurité, émerge souvent une lueur d’optimisme.

les éléphants qui symbolisent la mémoire, ceux qui n’oublient pas leurs morts. Chacun d’eux possèdent un talent artistique qui permet de transcender ce qu’il a vécu en quelque chose de positif: la musique, la danse… Et le renouveau avec le village qui se colore petit à petit

l’abeille et la fourmi qui travaille au milieu des escalators symbolisent le renouveau

les 3 oiseaux au couleur de la Colombie en dehors de leur cage représentent la liberté. L’homme de couleur , de chair et d’os est là pour symboliser le fait que nous sommes tous pareil malgré notre différence de peau

le banc des amoureux

La ville qui renaît de ses cendres

La pub pour le livre « book district » qui raconte l’histoire de la commune 13 est présente partout dans la ville
La visite se poursuit dans les rues colorées de la comuna. Des maisons ont été peintes en couleur vives pour trancher avec le bois, la brique et la taule utilisés à l’époque.
De nombreuses petites galeries d’art ponctuent notre chemin et attirent l’œil. Nous nous y attardons. Partout les citoyens nous accueillent avec le sourire, des gens fiers de la réussite de leur quartier et de leurs escaliers roulants construits en plein air. Ils l’aiment leur quartier, le crient à tout vent et veillent dessus comme de l’huile sur le feu. Tout est fait pour l’embellir et chacun en est responsable. Une soif de vivre pour une vie paisible et des jours meilleurs.
Afin de donner aux enfants des possibilités de se détourner de la rue, des gangs ou du crime, un certain nombre d’initiatives d’éducation communautaire basées sur les arts ont été établies mettant principalement l’accent sur les leçons de street-art, de hip-hop et de création musicale. L’art à la rescousse d’une jeunesse en redéfinition. Et effectivement, ça fonctionne. A voir les artistes couvrir les murs de graffitis, à interagir avec les touristes, les jeunes sont plus nombreux à rêver d’une carrière plus traditionnelle de guide touristique, de traducteur ou de muraliste que de chef de bande criminalisée.
En haut du dernier escalator, une troupe de danse présente ses talents de hip hop en échange de pourboire. On profite du spectacle. Une petite pièce et on repart.
De là-haut, on a une vue qui embrasse le quartier. Quand on voit la hauteur qu’on vient de parcourir, on comprend que les habitants tiennent à leur escalator.
Nous quittons le quartier. Après un repas rapide, nous nous dirigeons vers le cerro Nutibara où nous avons rendez-vous avec des habitants du coin. En plein cœur de la ville, cette colline boisée est le poumon vert de Medellín. A son sommet se trouve le pueblito paisa, une réplique d’un village de campagne. Nous n’avons pas aimé. Une sorte d’attrape-touristes envahit de touristes. En revanche, le cerro offre l’un des meilleurs points de vue sur la ville. On prend quelques clichés, une maxi barbapapa, on discute avec la famille, mais on ne s’attarde pas trop, Lisa est épuisée.
Pour notre dernier jour à Medellin, nous passons la journée au Parque Explora, sorte de cité des sciences particulièrement ludique remplie de mini-expériences. Déjà, en tant qu’adultes nous nous sommes bien amusés, alors les enfants et les ados je ne vous dis pas !
séance musique
expériences surprenantes
sport
Pause photo truquée avec les copains
Un peu d’animaux terrestres
…et marins
Une journée bien remplie avant de dire au revoir à Medellin
merci pour cette description très complète de Medellin et toutes les photos !
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